La Francophonie, chance pour un partenariat rénové

Article : La Francophonie, chance pour un partenariat rénové
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26 novembre 2014

La Francophonie, chance pour un partenariat rénové

Dans l’esprit des Français et dans celui des peuples jadis soumis à la domination de la France, colonisation et décolonisation sont généralement considérées comme des phénomènes appartenant au passé. Il n’en resterait – à première vue – que des souvenirs, nostalgiques chez certains, amers chez d’autres. Mais si l’on regarde la réalité plus en profondeur, les choses sont beaucoup moins simples. L’aventure coloniale a laissé une empreinte bien plus forte que l’on ne croit dans l’ esprit des anciens colonisateurs comme dans l’âme des anciens colonisés, de leurs descendants et de leurs successeurs. Cette empreinte se laisse deviner à travers des non-dits qu’un peu de perspicacité permet de déceler aisément dans les rapports entre individus ou entre groupes marqués, d’une manière à l’autre, par le phénomène colonial.

A vrai dire, de tels rapports ne sont presque jamais véritablement limpides. Même quand ils sont francs et cordiaux, on sent toujours un « quelque chose » d’indéfinissable, qui forme comme un brouillard léger empêchant une pleine communion et troublant la communication réciproque. Il arrive cependant que ce brouillard se dissipe : ainsi en est-il lorsque s’effectue, d’un côté ou à l’autre, une prise de conscience permettant de clarifier les malentendus et parfois de les éliminer pour déboucher enfin dans la lumière d’une amitié sans ombres.

C’est à une démarche de ce type que je voudrais me livre ici, non point avec la compétence et les talents d’un historien, d’un anthropologue ou d’un psychanalyste, mais, beaucoup plus modestement, avec la curiosité douloureuse et la volonté constructive de quelqu’un qui tente de comprendre une des aventures les plus ambigües de toute l’histoire humaine, d’un jeune francophone et francophile.

Une sorte d’«esprit de famille» a souvent généré entre les anciens colonisateurs et les anciens colonisés une « communauté » moins facilement explicable qu’on ne le prétend habituellement, car la plupart du temps on ne met en avant, plus ou moins naïvement ou plus ou moins sincèrement, que des souvenirs « historiques », des intérêts « politiques » ou « économiques », et des affinités « culturelles ». Les choses en réalité sont infiniment plus complexes, plus subtiles et plus nuancées. L’ « esprit de famille », par exemple, n’a jamais empêché les « querelles de famille », et l’on sait combien celles-ci peuvent être violentes.

On est certes en droit de se demander si de nos jours il est encore utile d’en parler. Personnellement, je pense que le débat n’a rien perdu de son actualité. D’abord, parce que les querelles d’origine coloniale ou postcoloniale sont loin d’être calmées ; ensuite, parce que, bien au contraire, je suis persuadé que l’écoulement du temps permet enfin de les considérer avec un esprit pacifié, et donc de voir plus clair dans une série d’épisodes fondamentalement importants de l’histoire de l’humanité. Je veux croire que, par là même, on pourrait peut-être parvenir enfin à une pleine réconciliation des esprits et des cœurs permettant une ouverture et une communication sans obstacles entre tous ceux que lie encore l’ancienne participation, heureuse ou malheureuse, à un univers commun basé sur un système de valeurs attirant d’ autres membres de la communauté internationale prêts à adhérer.

L’homogénéisation à la fois partielle et faussée crée par la mondialisation dans sa version néo-libérale n’a pas pu effacer des solidarités objectives antérieures à son avènement.

Il ne m’appartient pas de me prononcer ici sur la manière dont il faudrait concevoir, institutionnellement et pratiquement, ce partenariat rénové.

Je suis certain que cela ne se résoudra pas uniquement par la pratique de la coopération et du partenariat tels qu’on les conçoit encore. Notre siècle ne veut parler que d’économie et de technologie, sans égard pour les aspects humains des relations Nord-Sud. C’est là, à mon avis la raison pour laquelle ces relations demeurent boiteuses.

Dans ces conditions, l’ambigüité persistera aussi longtemps que l’on n’aura pas eu la volonté, le courage  et la franchise de procéder à l’apurement du contentieux psychologique conscient et subconscient. Cela ne peut se faire que par la production, des deux côtés, d’écrits orientés à cette fin, et par l’organisation de rencontres de toute nature au sein desquelles il doit être entendu d’ avance que la confrontation loyale des thèses, quand elles comportent une critique des uns par les autres, doit aboutir, absolument, à leur dépassement. C’est alors que dans les divers pays intéressés, les gouvernements, les administrations, les entreprises et les médias, faisant enfin preuve de bonne foi et de bonne volonté, pourront établir des liens que ne viendront plus entacher des soupçons datant d’une autre époque.

Le Sommet de la Francophonie qui se déroule cette semaine à Dakar au Sénégal doit montrer la volonté et la capacité de faire un pas décisif dans la direction d’une maturité pour parvenir au but de ce partenariat rénové.

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Commentaires

Lucetta
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J’ai lu avec plaisir ta réflexion sur la Francophonie, Christophoros: je suis tout-à-fait d’accord sur ton analyse historique et sociale de l’interconnexion entre la langue et un réel esprit pacifié… "procédant vers une ouverture et une communication sans obstacles" …fondé "sur un univers commun basé sur un système de valeurs partagés"… "par la pratique de la coopération et du partenariat … avec la capacité de faire un pas décisif dans la direction d’une maturité, pour… parvenir enfin, au but de ce partenariat rénové, …à une pleine réconciliation des esprits et des cœurs."
C’est le travail de paix. Et, laisse-moi le dire, …tu écris drôlement bien!
Bisous,
Lucetta