Fous d’hyper-connexion

Article : Fous d’hyper-connexion
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1 décembre 2014

Fous d’hyper-connexion

Il est 9h 30, ce lundi matin, et le manager du projet a encore la tête pleine de courriels: ceux qu’il n’a pas eu le temps de traiter durant le week-end, malgré plusieurs heures de connexions à domicile. Surmontant son anxiété causée par les réponses « urgentes » à donner, il entame une réunion, au centre de l’attention d’une demi-douzaine de personnes. Conscient que chaque minute représente autant de nouveaux messages qui s’amassent, il parvient à se concentrer pour aller jusqu’à la dernière slide de son PowerPoint. Soulagé d’avoir réussi à présenter clairement l’état de son projet,il se tourne vers son collègue pour lui demander un commentaire. Attendant la délivrance, il scrute avec angoisse ces lèvres dont ne sortira qu’un simple: « Excuse-moi, tu disais ? Je suis désolé, je « checkais mes mails’ »  pendant que tu parlais… ».

Quel manager n’a pas été confronté à ces problèmes? Le phénomène d’hyperconnexion des collaborateurs ne date pas d’hier et, pourtant, la prise de conscience actuelle des directeurs de ressources humaines (DRH) semble bien tardive.

Selon une enquête Global Human Capital Trends 2014 du cabinet Deloitte, seuls 75% des DRH considèrent la sollicitation excessive des employés comme une tendance  « urgente et importante » à traiter. Avec l’impression de subir ce qui se passe et une impuissance face aux flots arrivant dans la messagerie de chaque collaborateur, le courriel appelle le courriel, et le torrent de messages n’est pas près de tarir : Chacun se met à développer sa technique et ses raisons pour proliférer les courriels, du manager qui multiplie les destinataires, pour être sûr de n’oublier personne, au collaborateur, qui met ses supérieurs en copie afin de se couvrir.

Le résultat? Un stress et une charge de travail supplémentaire pour tout le monde, obligés de consulter leurs courriels sur leur temps libre, une productivité déclinante (si on consulte son smartphone plusieurs fois par jour), et des situations ubuesques, où des voisins de bureau préfèrent communiquer par courrier électronique plutôt que de se lever et de s’adresser la parole. L’hyper-connexion des uns appelle la frustration des autres: témoin ces fréquents conference calls, où l’orateur n’est écouté que d’une oreille, les participants préférant mettre à jour leur messagerie. Sous forme de mimétisme dans certaines entreprises, il suffit que le patron le fasse pour que le phénomène percole vers les collaborateurs.

Mais l’impact des nouvelles technologies n’est parfois que le révélateur des déficiences dans l’organisation de l’entreprise. Si l’hyper-connexion reste une source d’inquiétude, l’omniprésence des tablettes dans la salle de réunion relève d’un mauvais procès. Si personne n’ écoute, qui peut exclure que la réunion ne soit mauvaise? Doit-on blâmer les spectateurs qui baillent quand un film est inintéressant?

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