Le mobile banking en Afrique, exemple archétypale d’innovation

22 décembre 2014

Le mobile banking en Afrique, exemple archétypale d’innovation

m-pesa

Cinq des sept milliards de terriens utilisent la technologie mobile. Parmi les nombreux enjeux de développement auxquels elle répond, la question de la bancarisation et de l’accès aux structures financières pour les populations les plus en besoin est centrale. En Afrique, la population non bancarisée se sert de son téléphone portable pour effectuer ses opérations financières courantes. Pour les opérateurs, c’est une source de revenus non négligeables. Si les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes sur tout le continent où la technologie mobile, bastion de l’innovation, a depuis un temps noué des partenariats forts avec plusieurs secteurs, l’industrie des services financiers est optimiste quant à l’avenir du mobile comme vecteur d’innovation dans la fourniture de différents services.

Certains Africains paient désormais les factures d’eau et d’électricité, transfèrent de l’argent à des tiers ou encore achètent dans des boutiques ou magasins à travers le téléphone portable. Et tout cela simplement à partir de n’importe quel mobile, sans avoir besoin de compte bancaire. Plus besoin d’effectuer de longs déplacements coûteux, ni de passer plusieurs heures dans de files d’attente. Les opérations de transfert et de paiement se font en deux minutes, le gain est évident…

S’il faut citer une success story, c’est certainement celle du Kenya. Avec la solution de paiement M-Pesa, Safaricom, filiale de Vodafone au Kenya, est une référence en Afrique de l’Est et dispose d’une longueur d’avance sur ses concurrents. M-Pesa représentait plus de 16 millions d’utilisateurs actifs début 2013, et 650 millions de dollars de transaction chaque mois. Le client abonné dispose d’un e-compte dans sa carte SIM sur lequel il peut verser de l’argent, le recevoir ou le transférer à un tiers.

Le secret de M-Pesa ? Un maillage de 50 000 agents répartis sur l’ensemble du territoire kenyan pour être au plus proche de la population, y compris rurale. Ces intermédiaires sont propriétaires d’une petite épicerie de proximité, revendeurs de mobiles, employés d’un corner dédié dans un cyber café. Ils ouvrent les comptes M-Pesa sur simple présentation d’une carte d’identité, et effectuent les dépôts et les retraits d’espèces. M-Kesho, un service complémentaire de M-Pesa, permet au client d’ouvrir un compte bancaire dans une banque traditionnelle à travers son mobile et de disposer des services de gestion sans jamais se rendre dans une agence bancaire. Enfin, récemment, Safaricom a offert à ses clients M-Pesa la possibilité des payer des frais de scolarité, des factures (supermarchés, taxis…), d’effectuer des prêts sociaux ou encore collecter des fonds.

Le boom de la téléphonie mobile, incontestablement, a fait le terreau du succès de M-Pesa au Kenya. Mais la simplicité et l’accessibilité des applications, couplées à de faibles coûts, sont des facteurs d’attractivité que l’on retrouve ailleurs. Car le continent tout entier est truffé d’exemples illustrant l’effet de levier d’une faible bancarisation des populations sur l’essor des applications de mobile banking.

En Egypte, où 10% de la population possède un compte bancaire alors que le taux de pénétration du mobile est supérieur à 80%, Mobinil et Vodafone ont respectivement lancé des applications avec BNP Paribas de France. En Côte d’Ivoire, où le taux de bancarisation tombe à moins de 8%, MTN et Orange se livrent une bataille acharnée. A Madagascar, Airtel, présent dans les coins les plus reculés grâce aux bureaux de poste malgaches, se partage le territoire avec Orange, qui distribue sa solution Orange Money dans les épiceries. Orange Madagascar a d’ailleurs poussé l’innovation plus loin en proposant aux Malgaches un système de rémunération de l’épargne. Car ce système « gagnant – gagnant » agit aussi souvent sur le taux d’épargne de la population. L’expérience kenyane, où le taux de bancarisation a augmenté de 58%, prouve que la technologie mobile peut faire décoller l’accès aux services financiers dans un pays en voie de développement. En Afrique du Sud, où le taux de pénétration du mobile dépasse les 100%, les banques commerciales sont les moteurs de l’essor du paiement mobile en finançant des programmes qui permettent de faire du paiement quel que soit le type de téléphone utilisé.

Selon l’Union internationale des télécommunications (ITU), les organes de régulations de l’activité bancaire ont ainsi un rôle à jouer. Ils doivent redessiner les contours d’une régulation qui rend possible l’innovation, sans pour autant créer de déséquilibre au sein du système financier. Ils doivent également veiller au principe de transparence, c’est-à-dire à ne pas défavoriser certains organismes au profit d’autres, et ainsi entretenir une saine concurrence. Selon l’expérience, la régulation trop stricte est davantage favorable aux établissements bancaires, qui se voient seuls attribuer les licences.

L’Afrique semble embrasser une vision des transactions monétaires qui est celle du 3e millénaire : la dématérialisation de l’argent et des échanges. Celle de la transition en cours d’un système monétaire physique vers un système monétaire virtuel. Le « paiement mobile » est l’exemple archétypal de l’innovation frugale et aujourd’hui regardé comme une opportunité d’avenir.  Le processus d’innovation est donc enclenché et nous appelle à figurer le prochain Big Thing #ubunifu.

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Commentaires

Christ Koffi
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Le mobile banking est vraiment d'un grand avantage pour les populations des pays en voie de développement : emplois, augmentation de revenues, meilleur contrôle des dépenses, facilité d'exécution des transactions financières, paiement de factures, etc. Mais ce dernier mode de paiement peut être un problèmes lorsque le paiement de certains services publics ne se réalisent que de cette façon. De plus, les coûts peuvent être excessifs. Et les services qui utlisent ce mode de paiement sont tentés de l'imposer aux usagers. En somme, tout innovation est utile, mais elle est d'un plus grand avantage que lorsqu'elle est animée d'un bon esprit.