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La piste aux espoirs

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Une masque ne pourra pas changer le monde – rendre tout le monde heureux, enrayer l’exclusion, déraciner la logique du profit qui empoisonne le genre humain, remettre la balle dans le canon, stopper la haine qui camoufle la peur vertigineuse de vivre libre. Non, face à ce Goliath, cette forme artistique, avec sa petite fronde, semble bien dérisoire.

On propose de voir les choses dans l’autre sens. Et si, justement, dans l’intimité de nos cœurs, celle permettait de cimenter nos bases, d’équiper nos consciences, de ne pas se sentir seuls, de faire groupe non pas pour détruire ou souffrir, mais pour construire, rencontrer, parler, écouter, rire, pleurer se disputer avec joie, ne pas être d’accord, aimer ? Et si l’art, en général, nous permettait de vivre enfin ?

Loin des notions de commerce ou de consommation, on sent qu’une nouvelle conscience est agissant un peu partout sur terre. Elle œuvre à différents niveaux : environnement, agriculture, échange des savoirs, entreprise coopérative. Elle n’est pas toujours sûre d’elle-même, ni de ses modèles, mais elle est convaincue d’une chose : Ne pas abandonner ses rêves à d’autres qui en décideraient pour leur bénéfice. En toute forme de l’art, de tels mouvements existent. Il suffit d’aller à la rencontre des quelques « bâtisseurs» pour qui l’art est le levier vers une plus grand cohésion entre les habitants tout en créant du lien, au sens propre.

De tout évidence, le patchwork culturel que nos villes forment souligne plus volontiers les frottements que l’incroyable richesse. Et ça se construit, ne s’achète pas…

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Bonheur en terre nippone

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Barboter à plusieurs dans l’eau chaude d’une station thermale, en pleine nature, telle est l’image du bonheur pour un Japonais. Si l’on veut atteindre la félicité, on ajoutera un plateau de bois flottant sur l’eau, garni de tasses de saké tiède. Au pays, le nirvana est collectif et bien chauffé. Le bonheur consiste à contenir ou à maîtriser les aspects violents du plaisir, en une sérénité finalement assez perverse : à la fois épicuriens et stoïciens, si l’on tient aux normes occidentales. En fait, la tradition japonaise – qui mélange les influences taoïste, shintoïste et bouddhiste- ne se réfère ni à l’argent ni à l’amour. Le bonheur n’est ni un combat, ni un but, ni un objectif. Il découle de l’harmonie avec la nature – une nature soigneusement reconstruite selon les thèmes convenus – et de l’absence d’effort.
Cette vision minimaliste se retrouve dans l’art, les sentiments, la nourriture. Selon un proverbe, il suffit de très peu de riz pour avoir l’abondance et la richesse du goût. Tout cela peut sembler bien mince à un Occidental. Qu’y faire ? Les Japonais sont trop nombreux pour ne pas cultiver une exquise politesse et refouler toute violence privée. L’espace de l’île lui-même est mesuré. Peut- être sont –ils condamnés, en tout, à la sobriété.
Bien évidemment, chaque génération interprète de telles notions abstraites à travers ses propres repères…

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(Image 1 Part de l’exposition itinérante Urbanism of Negotiation, par des étudiants de l’Université de Western Australia.. Image 2 Tirée des magazines actuelles janvier 2015.)


Vous avez dit bonheur ?

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A l’aube du 19eme siècle, deux grandes voix à l’Occident décident de parler du bonheur aux sociétés contemporaines en pleine mutation. « Le bonheur est une idée neuve », dit Saint-Juste. Et Madame de Stäel : « La gloire n’est que le deuil éclatant du bonheur. » L’un affirme la radicale nouveauté d’une société qui prendrait pour objectif le bonheur de ses membres. L’autre oppose les plaisirs de la renommée aux déceptions qu’elle entraîne dans la vie privée, lieu supposé du bonheur. L’un et l’autre posent, en ces temps révolutionnaires, le bonheur comme valeur et problème majeur.

Ce qui est nouveau, c’est d’oser dire que le bonheur est de ce monde et pour tous, que l’objectif d’un bon gouvernement devrait être de réaliser « le plus grand bien-être possible pour le plus grand possible » (Bentham) et d’inciter les individus à quitter les villages pour les villes aventureuses ; à préférer l’intimité des amis, la musique de chambre, la conversation, la promenade, la rêverie, l’inclination des cœurs à se décrire et s’aimer enfin. L’élite, aristocratique et bourgeoise, atteint ces rives du moi légitime. Mais elle n’est pas seule. Dans cette phase d’expansion prodigieuse qui marque l’ère des Lumières, la société tout entière vibre du désir d’accéder à cette « douceur de vivre ».

Les attitudes des populations changent donc. Elles n’acceptent plus la fatalité de la mort précoce ou celle des naissances non désirées. Et ce volontarisme démographique s’enracine dans la conscience que l’existence individuelle est le souverain bien. On célèbre l’allongement de la durée de la vie comme une conquête dont les vieillards sont le signe honoré. Le soin croissant accordé aux cimetières, la dignité des funérailles, occasion d’évoquer ce que fut une existence, cette attention à la mort n’est que l’envers d’un immense désir de vivre et d’un grandissant souci de soi. On pourrait avancer –non sans paradoxe- que l’envie d’être heureux, de jouir de la vie sourd dans l’ébranlement révolutionnaire. Des révolutions pour le bonheur ?

Peut-être. Après la vague d’indépendances des nations, le XXème siècle inaugure une ère d’instauration des disciplines et de restauration des valeurs collectives. Si Dieu bat de l’aile, famille et nation subordonnent leurs membres à leurs propres fins. Atome de la société civile, la famille, fondée sur le mariage, impose silence aux voix dissonantes. Aux femmes, vouées à leurs devoirs d’épouse et de mère. Aux enfants, qui doivent obéir, apprendre et se taire. « Tu épouseras Jules », ordonnent les pères à leurs filles qui soupirent pour Octave.

L’ordre collectif pèse moins lourd, dans la mesure où les Etats n’ont pas les moyens de leur politique. Les mailles du filet sont encore lâches. Pourtant, les modes de contrôle des identités, des mobilités, des illegalismes se resserrent. Partout le pouvoir s’insinue. Surtout, il cherche à produire l’adhésion par une morale du consentement. L’école est à cet égard exemplaire. Aux écoliers, invités à se fondre dans la solidarité citoyenne, elle inculque des comportements civils.

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(Graffiti de rue)

Et pourtant le feu couve et rien n’arrête plus désormais l’affirmation du droit au bonheur personnel. Voici d’abord les murmures des marginaux de toutes sortes : vagabonds qui préfèrent les risques à la sécurité du foyer ; voyageurs avides en quête d’ailleurs ; dandys assoiffés de distinction élégante ; artistes affranchis des visions conventionnelles ; écrivains qui recomposent un paradis imaginaire dans le secret de leur chambre…

Dans les familles secouées de crises cachées, les jeunes s’enhardissent. Les migrations favorisent l’indépendance des étudiants. Passé 18 ans, nombre de jeunes ouvriers n’acceptent plus de verser leur salaire à leurs parents ; ils se mettent en ménage. Les filles supportent mal d’épouser sans amour ; le taux de célibat féminin augmente. La « femme nouvelle » de 1900 s’affirme comme une personne libre du choix de son destin. Enfin, la classe ouvrière tout entière réclame sa place au soleil. Elle veut vivre mieux et pas seulement de pain. Le slogan des « trois-huit » est dominant aux grèves du 1er mai 1890 et comporte d’ailleurs la volonté de disposer des deux tiers de sa journée : huit heures de sommeil, huit heures de loisirs, pour soi, rien qu’à soi. Plus que de pouvoir, c’est le temps libre que rêvent les ouvriers. Et les photographies du début du siècle les montrent sortant des usines comme une volée de moineaux – premières images d’un monde qui ambitionne encore naïvement de construire le Bonheur…


Femmes fatales

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Fatale, le mot fait doublement rêver. Fatale aux hommes bien sûr, la femme l’est aussi au sens antique (fatum, le destin) : elle incarne l’inéluctable. Comme le destin, elle est forcément énigmatique. A l’éternelle question masculine « Mais qu’est-ce qu’elle veut ? », elle n’oppose que son mystère insondable.

De la mythologie grecque au cinéma hollywoodien, la femme fatale hante toutes les époques.  Mais elle ne cesse de changer de visage.

Depuis l’Antiquité, les figures réelles ou mythologiques de femmes dangereusement belles, tentatrices, criminelles… n’ont pas manqué. Mais elles n’étaient heureusement pas le modèle unique. Les chrétiens descendaient d’Eve, la tentatrice, et adoraient Marie, la mère du Sauveur. L’éternel féminin restait coupé en deux.

Eve

Dans la Bible, Eve n’occupe que quelques versets au deuxième chapitre de la Genèse, mais elle sera, avec Marie, le personnage féminin que les chrétiens représenteront le plus souvent. En général, elle est vue comme la cause de la chute originelle, la première pécheresse, plus rarement comme la mère de tous les hommes. Les peintres symbolistes soulignèrent sa connivence avec le serpent.

Dalila

Pour venir à bout du géant hébreu Samson, les Philistins firent appel, contre une importante somme, à sa maîtresse, la superbe Dalila. En interrogeant Samson, elle perça le secret de sa force invincible : sa chevelure. Pendant qu’il dormait à ses côtés, elle le rasa. Samson tomba alors sans résistance aux mains de Philistins qui lui crevèrent les yeux. Devenue, dès la Bible symbole de la félonie féminine, Dalila inspire de nombreux tableaux symbolistes et un opéra  célèbre, Samson et Dalila (1877) de Saint- Saëns.

Salomé

L’Evangile rapporte le supplice de saint Jean- Baptiste sans citer le nom de Salomé (qui nous est connu par Flavius Josèphe). Hérode, le tyran de la Galilée, donnait un banquet. Salomé, la fille de son épouse Hérodiade, dansa si merveilleusement qu’il lui dit : « Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai. » Salomé demanda qu’on lui apportât sur un plat la tête coupée du prophète. Salomé devint parmi les sujets les plus souvent traité en art.

Pandora

Les dieux voulant punir les hommes qui, grâce à Prométhée, leur avaient volé le feu, envoyèrent la belle Pandora. Epiméthée, le frère de Prométhée, l’épousa. A peine mariée, Pandora ouvrit la jarre scellée que les dieux lui avaient confiée avec interdiction de l’ouvrir. A l’instant se répandirent sur l’humanité les pires fléaux : faim, soif, guerre et violence.    

 

C’est plus tard, dans le grand reflux de la religion, que les premières « fatales » pointent leurs minois dans la littérature. Comme Manon de l’abbé Prévost, elles sont d’un naturel enfantin, instinctif, irrésistible. Pas perverses, simplement amorales. Leur curiosité naturelle, leur appétit insatiable de liberté et de jouissance les rendent dangereuses pour leurs amants et même pour tout l’ordre social. L’honnête Des Grieux, pour l’amour de Manon, manque à tous ses devoirs et finit par la suivre en Louisiane lorsque l’aventurière- prostituée est condamnée au bagne. L’héroine de l’abbé Prévost, charmante écervelée au grand cœur, est pour la société une vraie bombe. 

En 1845, Prosper Mérimée lance avec Carmen, la bohémienne indomptable, une femme fatale infiniment plus élaborée.  Elle a la beauté et le naturel de Manon, mais le tempérament méridional, la fougue et la passion de la liberté en plus. Son amant don José, s’il ne peut en devenir maître, n’en sera pas non plus l’esclave. Cette longue nouvelle installe dans un cadre pittoresque, une Espagne misérable sur fond de castagnettes, une vraie tragédie populaire. Carmen ne deviendra célèbre qu’en 1875, avec l’opéra de Bizet. Mais après tout, Carmen n’est qu’une femme singulière et exotique.

Que serait le cinéma sans Louise Brooks et Rita Hayworth ?

C’est au siècle suivant, dans la grande perte de toutes illusions romantiques et libérales, que la femme fatale s’impose comme modèle unique de la Femme. Cet immense fantasme va alors faire frémir voluptueusement artistes, poètes et peintres, romanciers et cinéastes, compositeurs et stars du music-hall, pendant plusieurs générations. Pâle et satanique, la « vamp » tient toujours l’affiche, nudité bardée de bijoux ou sanglée de cuit noir.  Les anges sans cœur ne sont pas de quitter l’écran Tout y est : le corps, les yeux, l’ambiguité, le pic à glace, et ce désir millénaire d’y laisser toutes ses belles plumes. Absolument toutes.

Surexploité commerciellement, est-il temps ce modèle à réinventer ?


Jouer les bons citoyens

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Une vertu souvent attribuée à la délibération publique est qu’elle serait en mesure de former de « bons citoyens ». Face au déclin de la participation électorale, au désenchantement à l’égard de la politique partisane, voire à l’apathie grandissante d’une partie du public, la participation au gouvernement – généralement au niveau local – ouvrirait l’esprit et le cœur des citoyens, les inciterait à se tourner vers l’intérêt général et offrirait ainsi un canal alternatif de socialisation politique face au déclin des corps intermédiaires qui assuraient autrefois cette fonction. La démocratie deviendrait ainsi sa propre école, transformant des individus atomisés en citoyens aptes à constituer un public démocratique. Ce discours sur l’éducation par la participation politique a une longue histoire dans la pensée occidentale.

« L’activité civique entraîne les individus à penser en termes publics, en citoyens, et leur statut de citoyens les dote d’un sens utile de la collectivité et de la justice. […] La politique devient sa propre université, la citoyenneté son terrain pratique, et la participation son guide »

Benjamin BarberDémocratie forte.

Cette question connaît aujourd’hui un certain renouveau suite au développement du concept de capital social tel qu’il voit dans la participation associative un moyen de refonder un lien civique en crise et de former une citoyenneté vertueuse.

La délibération, qui en suit par conséquence, aurait pour vertu de transformer les individus, d’orienter leurs préférences et leurs intérêts, voire leur identité, vers le bien commun. Dans la mesure où ce concept précise l’idée d’école de citoyenneté,  c’est la participation politique par la délibération publique qui est à même de transformer les citoyens.

Cette intuition  n’est néanmoins pas restée à l’état spéculatif. Depuis quelques années un nombre croissant d’études empiriques en sciences sociales a cherché à évaluer les effets de la délibération sur les participants.

Les résultats sont à ce jour contrastés et soulignent avant tout le rôle joué par le contexte dans lequel se déroule la délibération. Or, les nouvelles technologies permettent et facilitent de  se concentrer sur « l’entre-deux », sur l’espace d’interaction où les individus discutent, échangent et agissent de concert, et prennent occasionnellement – selon la situation – le rôle de bons citoyens. Selon la situation d’interaction les individus peuvent progressivement modifier leurs arguments et leurs comportements publics, et se tourner vers ce qui est défini collectivement comme l’intérêt général.

Voici, un exemple de cet esprit :


Baignés dans le monde des images

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Selon Rithy Panh, réalisateur de L’Image Manquante, « le passé nous renseigne sur ce qui peut arriver demain, les images sont là pour nous faire réfléchir, pour nous nourrir, c’est notre force pour avancer ».

Tous actuellement baignés dans le monde des images, qui reste à être en charge de collecter quelles images sur quels critères ? Quel acteur assumera la tâche de préserver et diffuser le patrimoine culturel à travers images et son , et par conséquence,  créer des passerelles entre le passé et le présent?

 

 

La collecte des archives est une pratique à travers le monde visant à multiplier les regards sur un pays, une culture, une langue. Plus important, la mise à disposition à un public élargi, permet de lui offrir une plus grande diversité et surtout d’approches. L’indéxation, le référencement, la description et le traitement des archives sont pour les spécialistes. Grâce à des visionnaires qui se sont pris à rêver d’un lieu de mémoire et de création, où le patrimoine audiovisuel serait sauvegardé, cette nécessité a retrouvé un sens et une nouvelle dynamique.


Les archives de demain

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Faire vivre la mémoire, faire circuler le savoir et l’information, favoriser l’expression de la société civile, l’esprit critique, le dialogue entre les générations, c’est œuvrer pour une société plus ouverte et plus démocratique. Notamment, dans des pays qui ont connu de longs conflits, en vrai danger de l’effacement de tout un pan de leur mémoire – à l’exemple du Cambodge, du Laos, des Philippines en Asie du Sud, ou bien du Cameroon, du Burkina-Faso, du Rwanda en Afrique sub-saharienne – cette mission est aussi urgente que fondamentale, vu que la valorisation de leur mémoire constitue un clé de voûte d’une culture de paix.

D’autre part, une jeunesse mondiale, qui se baigne dans le monde des images et investit les réseaux sociaux dans les temps records, et qui a besoin de s’exprimer avec ses propres regards et sensibilités, et bien sûr, avec l’appétit d’innover en terme de contenu. Plusieurs idées sont déjà lancées ou en phase de recherche, par la conception et la réalisation d’un webdocumentaire au développement de plateformes interactifs qui donnent voix aux histoires locales. Cet espace d’accueil de Mondoblog en fait la preuve du succès.

A travers des différentes pistes de développement, les objectifs derrière demeurent les mêmes visant à exporter les nouvelles technologies, de transmettre et d’échanger, toujours dans cet esprit de connaissance et de partage, d’échange, de collaboration et de solidarité.

Ligne de base ? Connaître son histoire, c’est avoir en main un savoir, une mémoire, des outils d’analyse et de comparaison. Cela signifie également combattre les préjugés et en partie, les racines de la violence, et plus important, offrir à des jeunes générations, parfois manipulées, d’être davantage maître de leurs choix et de leur avenir.

Comme l’en est bel exemple, le nouveau lancé webdocumentaire Quipu Project. 


Le dépays de Chris Marker (1982)

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(Photo sous CC, retirée du groupe Facebook dédié Black Hole)

« Tout est dans le geste du tireur. La flèche n’a pas plus de but que n’en a la vie: ce qui compte c’est la politesse envers l’arc. Telles sont les choses de mon pays, mon pays imaginé, mon pays que j’ai totalement inventé, totalement investi, mon pays qui me dépasse au point de n’être plus lui-même que dans ce dépaysement. Mon dépays. »

C-H-R-I-S M-A-R-K-E-R

Trouvez ici les essais de ce grand écrivain Français, témoignages vifs de ses voyages au Japon.

 


Le mobile banking en Afrique, exemple archétypale d’innovation

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Cinq des sept milliards de terriens utilisent la technologie mobile. Parmi les nombreux enjeux de développement auxquels elle répond, la question de la bancarisation et de l’accès aux structures financières pour les populations les plus en besoin est centrale. En Afrique, la population non bancarisée se sert de son téléphone portable pour effectuer ses opérations financières courantes. Pour les opérateurs, c’est une source de revenus non négligeables. Si les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes sur tout le continent où la technologie mobile, bastion de l’innovation, a depuis un temps noué des partenariats forts avec plusieurs secteurs, l’industrie des services financiers est optimiste quant à l’avenir du mobile comme vecteur d’innovation dans la fourniture de différents services.

Certains Africains paient désormais les factures d’eau et d’électricité, transfèrent de l’argent à des tiers ou encore achètent dans des boutiques ou magasins à travers le téléphone portable. Et tout cela simplement à partir de n’importe quel mobile, sans avoir besoin de compte bancaire. Plus besoin d’effectuer de longs déplacements coûteux, ni de passer plusieurs heures dans de files d’attente. Les opérations de transfert et de paiement se font en deux minutes, le gain est évident…

S’il faut citer une success story, c’est certainement celle du Kenya. Avec la solution de paiement M-Pesa, Safaricom, filiale de Vodafone au Kenya, est une référence en Afrique de l’Est et dispose d’une longueur d’avance sur ses concurrents. M-Pesa représentait plus de 16 millions d’utilisateurs actifs début 2013, et 650 millions de dollars de transaction chaque mois. Le client abonné dispose d’un e-compte dans sa carte SIM sur lequel il peut verser de l’argent, le recevoir ou le transférer à un tiers.

Le secret de M-Pesa ? Un maillage de 50 000 agents répartis sur l’ensemble du territoire kenyan pour être au plus proche de la population, y compris rurale. Ces intermédiaires sont propriétaires d’une petite épicerie de proximité, revendeurs de mobiles, employés d’un corner dédié dans un cyber café. Ils ouvrent les comptes M-Pesa sur simple présentation d’une carte d’identité, et effectuent les dépôts et les retraits d’espèces. M-Kesho, un service complémentaire de M-Pesa, permet au client d’ouvrir un compte bancaire dans une banque traditionnelle à travers son mobile et de disposer des services de gestion sans jamais se rendre dans une agence bancaire. Enfin, récemment, Safaricom a offert à ses clients M-Pesa la possibilité des payer des frais de scolarité, des factures (supermarchés, taxis…), d’effectuer des prêts sociaux ou encore collecter des fonds.

Le boom de la téléphonie mobile, incontestablement, a fait le terreau du succès de M-Pesa au Kenya. Mais la simplicité et l’accessibilité des applications, couplées à de faibles coûts, sont des facteurs d’attractivité que l’on retrouve ailleurs. Car le continent tout entier est truffé d’exemples illustrant l’effet de levier d’une faible bancarisation des populations sur l’essor des applications de mobile banking.

En Egypte, où 10% de la population possède un compte bancaire alors que le taux de pénétration du mobile est supérieur à 80%, Mobinil et Vodafone ont respectivement lancé des applications avec BNP Paribas de France. En Côte d’Ivoire, où le taux de bancarisation tombe à moins de 8%, MTN et Orange se livrent une bataille acharnée. A Madagascar, Airtel, présent dans les coins les plus reculés grâce aux bureaux de poste malgaches, se partage le territoire avec Orange, qui distribue sa solution Orange Money dans les épiceries. Orange Madagascar a d’ailleurs poussé l’innovation plus loin en proposant aux Malgaches un système de rémunération de l’épargne. Car ce système « gagnant – gagnant » agit aussi souvent sur le taux d’épargne de la population. L’expérience kenyane, où le taux de bancarisation a augmenté de 58%, prouve que la technologie mobile peut faire décoller l’accès aux services financiers dans un pays en voie de développement. En Afrique du Sud, où le taux de pénétration du mobile dépasse les 100%, les banques commerciales sont les moteurs de l’essor du paiement mobile en finançant des programmes qui permettent de faire du paiement quel que soit le type de téléphone utilisé.

Selon l’Union internationale des télécommunications (ITU), les organes de régulations de l’activité bancaire ont ainsi un rôle à jouer. Ils doivent redessiner les contours d’une régulation qui rend possible l’innovation, sans pour autant créer de déséquilibre au sein du système financier. Ils doivent également veiller au principe de transparence, c’est-à-dire à ne pas défavoriser certains organismes au profit d’autres, et ainsi entretenir une saine concurrence. Selon l’expérience, la régulation trop stricte est davantage favorable aux établissements bancaires, qui se voient seuls attribuer les licences.

L’Afrique semble embrasser une vision des transactions monétaires qui est celle du 3e millénaire : la dématérialisation de l’argent et des échanges. Celle de la transition en cours d’un système monétaire physique vers un système monétaire virtuel. Le « paiement mobile » est l’exemple archétypal de l’innovation frugale et aujourd’hui regardé comme une opportunité d’avenir.  Le processus d’innovation est donc enclenché et nous appelle à figurer le prochain Big Thing #ubunifu.